La semaine dernière, je suis allée à la conférence « Entre les feuilles » les pochoirs japonais. Le Musée des Arts Décoratifs de Paris (je vous préviens, je n’ai pas fini de vous parler de ce lieu !) propose systématiquement un cycle de conférences pour accompagner ses expositions temporaires. Je rêvais d’aller à ces conférences et aujourd’hui, mon temps libre me le permet. Devenir indépendant, ça a du bon tout de même 🙂
En ce moment, le style japonais est à l’honneur au MAD avec l’exposition Japon-Japonismes, présentée jusqu’au 3 mars 2019. Les collections sont très riches : on y découvre objets, kimonos, estampes, affiches, vêtements et mobiliers. Des créations Japonaises et Européennes réunies, du XIXe siècle à nos jours. Un tour d’horizon très complet que je recommande d’aller visiter, malgré la scénographie qui ne permet pas toujours d’approcher les objets de près car ils sont rassemblés dans de grandes vitrines. Cela dit, on a de beaux cabinets de curiosités devant soi.
La sérigraphie, c’est créer un pochoir. Et le katagami est la toute première technique dans ce domaine dont les témoignages datent du VIIIe siècle et proviennent de la préfecture de Mie, au sud du Japon. Un savoir-faire où, comme la sérigraphie, la préparation et le temps sont essentiels. L’étape de la découpe nécessite 3 semaines à 1 mois de travail. Mais ça, c’est sans compter la préparation du papier et l’impression finale ! Voyons tout cela d’un peu plus près.
Patience et exigence
Le katagami, c’est donc l’art de découper le papier. On crée des motifs géométriques ou végétaux, répétitifs ou non, que l’on imprime sur des étoffes destinées à la création de kimonos principalement. Les usages s’étendaient parfois même au papier, au cuir et à la céramique.
Ce que je trouve beau, c’est que la langue japonaise donne un nom à chaque chose. Ainsi, les motifs sont classés par types. Par exemple, le type Kômon concerne les motifs en pointillés, le type Chûgata, les motifs de taille moyenne associant courbes et lignes droites.
La découpe se fait sur huit à dix feuilles simultanément, mais seules les feuilles intermédiaires serviront pour l’impression. Une fois la découpe réalisée, on place un réseau de fils entre chaque feuille pour consolider la découpe. Imaginez cette dentelle qu’il faut dédoubler puis ré-assembler sans provoquer le moindre décalage… (mais vous êtes fous ?!)
Le washi, spécifiquement conçu pour le katagami, est un papier végétal longuement travaillé, issu d’écorces de mûrier. Ce papier est ensuite enduit de kakishibu, un jus de kaki fermenté réputé pour ses vertus imputrescible et imperméabilisante. 6 mois à 5 ans de fermentation sont nécessaires pour obtenir un kakishibu de qualité.
L’étape d’enduction (shibugami), elle aussi, est une affaire de temps. Pour obtenir notre « plaque » prête à être découpée, on réalise deux imprégnations de kakishibu. Puis, les feuilles sont fumées au bois de cyprès ou de pin durant 10 jours.
La découpe peut être réalisée avec différents outils, utilisés en fonction du type de motif. Par exemple, dans la méthode kiri-bori, on utilise un poinçon en demi-cercle pour réaliser de très petits trous (pointillés). La méthode shima-bori correspond à la réalisation de rayures à l’aide d’une lame. Là encore tout est nommé… j’adore.
La dernière étape consiste donc à imprimer, ou plutôt teindre le tissu. Car on révèle le motif en teignant l’étoffe, non pas en l’imprimant. Je m’explique : le motif est transféré sur le tissu avec de la colle de riz teintée que l’on applique avec une spatule sur le katagami. Ensuite, l’étoffe passe dans un bain de teinture. La colle, servant de réserve, se dissout pendant l’étape de rinçage et le motif est révélé en négatif…
OK, voici un petit résumé en images 🙂
Un savoir-faire à valoriser
En 1858, lorsque le Japon s’ouvre à l’Europe, Autrichois, Anglais, Allemands et Français s’inspirent énormément du style graphique issu des katagami. Les productions des très importants mouvements Art nouveau puis Art déco en sont les témoins, des mouvements qui ont révolutionné notre culture moderne.
Au fil du temps, le Musée des Arts Décoratifs a accumulé et conservé une riche collection de ces matrices, considérées comme des œuvres d’art à part entière. Aujourd’hui, la connaissance du katagami doit perdurer alors que cette technique reste peu connue en Europe et risque de tomber dans l’oubli au Japon.
Le témoignage de Takeshi Nishimura à la conférence, l’un des derniers artisans katagami, m’a beaucoup touchée. Il explique que ce savoir-faire lui venait de son père, mais lui ne l’a pas transmis à son fils car aujourd’hui il n’est plus possible d’en vivre. De fait, dès la fin de la seconde guerre mondiale, le Japon s’est ouvert à des techniques occidentales d’impression textile au rouleau. Le souhait de Takeshi Nishimura est que cet art ne soit pas oublié, pour qu’il puisse continuer d’inspirer les créateurs.
photo à la une : blog Mademoiselle C .
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Merci pour votre présentation du katagami ! et pour le reste, votre lieu semble bien agréable ! mais je suis trop loin pour venir vous visiter ! bien cordialement Cécile