Peu connue dans son pays natal qu’est la Suède, Hilma af Klint est en vérité LA pionnière de l’art abstrait, bien avant les célèbres travaux de Malévitch et de Kandinski, rien que ça ! Elle peint de grands formats colorés avec une force et une approche bien à elle, guidée par des forces mystérieuses…

Disparue en 1944, c’est en 1968 que ses toiles seront découvertes par son petit neveu, miraculeusement bien conservées dans un grenier. Klint a très peu présenté ses travaux durant son vivant, convaincue que le monde n’était pas prêt à comprendre ses peintures. Elle avait même exigé qu’on ne montre ses toiles au public qu’au minimum 20 ans après sa mort… L’œuvre d’Hilma af Klint sera révélée en 1986 lors d’une rétrospective à Los Angeles.

Libre des carcans de l’époque

À la fin du 19e siècle, la liberté créatrice était réservée aux hommes, car s’adonner à ce type d’activité en tant que femme pouvait compromettre leurs capacités à procréer, disait-on à l’époque…
L’Académie des Beaux-Arts de Stockholm était tout de même ouverte aux femmes. Mais elles étaient contraintes aux petits formats et aux scènes de genre telles que les portraits, les natures mortes et les paysages.
Cette peinture conformiste lui servit de source de revenus toute sa vie, lui permettant de travailler à une œuvre bien plus ambitieuse. Sa volonté de peindre autrement fait de cette femme une artiste remarquable, qui a eu le courage de se libérer des préjugés de l’époque.

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Série « Les dix plus grands », n°6 et 7, 1907. Cette série est une évocation des stades de la vie, de la petite enfance à la vieillesse.
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Groupe VI, évolution n°14, 1908.

Peindre l’invisible

Hilma af Klint perd sa sœur à 17 ans. Bouleversée, elle tente alors d’entrer en contact avec elle à travers des séances de spiritisme. À cette époque de grands progrès technologiques, on pensait alors qu’il serait possible de voir dans l’au-delà. Des mouvements ésotériques commencent peu à peu à apparaître. Plus tard, Klint fonde Les Cinq (De Fem), un groupe de femmes artistes dans lequel elles pourront expérimenter de nouveaux processus de création, tels que la peinture automatique et inconsciente, dans le but d’élever leur esprit à d’autres sphères.

Avec des perceptions sensorielles plus développées, certains artistes pensaient pouvoir aller au contact de l’invisible.

Les Cinq se retrouvaient régulièrement et de façon très ritualisée : prière, méditation, sermon puis étude du Nouveau Testament. Enfin, une séance de spiritisme clôturait l’entrevue.

Considérée peu à peu comme une véritable médium, Klint aurait donc eu la capacité à entrer en contact avec les esprits. Elle dédie alors tout son travail artistique à la transcription de messages spirituels, guidée par des êtres supérieurs… Une femme que l’on qualifierait d’hypersensible (sinon de folle) à notre époque.

Elle se rapproche du mouvement théosophique, qui rencontre à ce moment un fort succès. On se détourne de plus en plus des dogmes de l’église, on cherche une vérité plus universelle.

L’un de ses guides spirituels lui aurait donné la mission de créer un temple, pour lequel elle doit créer des toiles. Mais elle n’aura pas l’occasion de mener à bien cette mission. Cette envie de fonder sa propre église ne la quittera jamais. Entre 1906 et 1915, elle peint 196 tableaux répartis en séries et sous-séries. Ces travaux pour le temple constituent le cœur de son œuvre.

 
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Série « le Cygne », n°16, 17, 18, 1915.
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Retable n°1, 1915. Les strates dans ces deux grands triangles représenteraient différents niveaux de réincarnation ou un passage à travers le temps. ©artacademieparis.com
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« Le point présent des Mahatmas », Séries II, No. 2a et « Le point de vue de Bouddha sur la vie terrestre », n°3a, 1920. Mahamta est une âme supérieure, un saint.

À la fin de sa vie, de nouvelles séries apparaissent, principalement des aquarelles sur petits formats. Elle cherche à interpréter davantage ses inspirations de médium. Elle peint également des semences entourées d’un fond coloré, qui correspond à leur niveau énergétique. Pour l’artiste, tout à un esprit, une âme, y compris la matière…

Ses fascinantes peintures réconcilient les contraires : la science et la spiritualité, le féminin et le masculin.

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« Le blé et l’absinthe », 1922.